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Interview France Bleu Isère (14/03/2016) et les menaces qui pèsent sur le métier de guide
- Le 21/03/2016
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La semaine dernière France Bleu Isère m'a contacté pour une petite interview improvisée, pour connaître l'avis des guides de la région grenobloise suite à l'arrivée des "Greeters" à Grenoble, ces habitants recrutés par l'Office de Tourisme pour faire découvrir gratuitement leur ville...
Voici l'interview en écoute :
Bon évidemment pour ma 1ère interview radio j'aurais préféré parler des visites guidées que je propose à Grenoble, en Isère ou ailleurs en Rhône Alpes, mais malheureusement ce n'est pas moi qui choisissait le sujet... et quel sujet !
Avant toute chose, je tiens à dire que je n'avais pas la prétention de parler au nom de tous les guides lors de cette (courte) interview.
C'est avant tout mon point de vue, en tant que Guide Conférencier Indépendant. Et vous l'aurez compris, en ce qui me concerne, je suis particulièrement inquiet de l'arrivée de ces Greeters sur les terres grenobloises...
Je remercie France Bleu Isère pour l'intérêt porté à l'avis des guides, mais l'interview ayant été largement tronquée pour les besoins de l'antenne, j'aimerais apporter quelques informations complémentaires sur le mécontentement des guides, et notamment le mien.
Une concurrence déloyale ?
L'interview se concentre sur une seule chose : la "concurrence déloyale" que représentent ces greeters "gratuits" face aux guides conférenciers indépendants qui, évidemment, sont payants.
C'est effectivement un point important, car si sur le papier greeters et guides conférenciers sont présentés comme deux produits différents, dans les faits, en "pratique", le touriste qui souhaite découvrir un territoire se dirigera naturellement vers les institutions officielles que sont les Offices de Tourisme, et si ceux-ci proposent une découverte gratuite avec un greeters, pourquoi le touriste perdrait il un temps précieux qu'il n'a pas pour trouver une autre solution ? Surtout que si l'Office de Tourisme le lui propose, c'est plutôt "gage de qualité", non ?
Un guide conférencier ne lit pas un livre d'histoire aux bus de touristes
On nous dit que le greeter ne s'occupe pas de groupe supérieur à 6 personnes, qu'il n'est pas érudit, en cela il ne représenterait donc pas de concurrence pour les guides... mais depuis quand les guides ne sont que des livres d'histoire et ne s'occupent que de bus de 50 personnes ? Un guide adapte son discours à TOUS les publics, des plus cultivés... aux plus oisifs !
Par ailleurs la clientèle particulière de loisirs est en plein boom notamment grâce aux plateformes numériques de mise en relations clients/guides (voir un peu plus bas), moi même en démarchant les hôteliers certains donnent mon contact à leurs clients désirant découvrir la ville de manière personnalisée, avec des visites privées qui combinent à la fois histoire, anecdotes, bons plans et même parfois "shopping"... mais pourquoi m'appeleraient-ils à l'avenir, si on leur propose "officiellement" une découverte gratuite ?
Soyons honnête, quand on a le choix entre gratuit et payant, on choisit le gratuit... surtout en ce moment !
Vous me direz, c'est le jeu ma pauvre Lucette ! Aujourd'hui tout doit être gratuit, participatif... et tant pis pour ceux qui souhaitent vivre de leur métier après tout, ils iront pointer chez Popol !
Plus qu'une concurrence, un problème d'image
Le mécontentement de la profession va bien au delà de ce côté "concurrence déloyale" (qui concerne surtout les Guides Conférenciers Indépendants comme moi), c'est surtout l'image du guide que renvoie le réseau greeters qui pose problème, et malheureusement l'interview fait l'impasse sur ce sujet, sur lequel je me dois de revenir car c'est finalement le plus important et je regrette vraiment que cela n'ait pu être diffusé et entendu.
Quand on prend n'importe quelle annonce de recrutement du réseau greeters (elles sont toutes à peu près identiques et il y en a quasiment partout désormais puisque c'est "tendance"), voici ce qu'on peut y lire : "les greeters offrent de leurs temps, bénévolement, et partagent avec eux leur passion pour leur territoire, leur quartier ou leur terroir, lors d'une balade gratuite et d'une vraie rencontre amicale. Un tourisme à visage humain !" "Le greeter n'est pas un guide mais un habitant qui partage un vécu, une vision personnelle, originale, et qui prend plaisir à faire des rencontres humaines".
Euuuuuuuh.... comment vous dire ?
Je ne sais pas vous mais avec quelques collègues de la profession, en lisant ça on a juste l'impression que notre métier est totalement dénigré, en gros un guide n'a rien vécu, visiblement incapable de personnaliser ses visites, pas passionné, et, surtout, cerise sur le gâteau, nous guides nous n'aimons pas les gens, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a choisi un métier où on en rencontre... tous les jours !? Et on passera sur le "tourisme à visage humain"... que fait-on alors, nous, guide ?! Je me le demande !
Vous l'aurez compris, la définition même d'un greeter c'est, à peu de chose près... celle d'un guide, bien qu'ils s'en défendent ! A ceci près qu'un guide professionnel, c'est payant.
Guider, c'est un métier.
Eh oui, être guide, c'est un métier. Non ce n'est pas un simple job étudiant pour l'été, comme on a pu et comme on peut encore me le demander régulièrement en visite.
C'est bel et bien un métier, et nous sommes encore quelques uns à oser espérer, naïvement peut être, pouvoir vivre et manger de ce métier, pour lequel nous avons obtenu (difficilement pour moi en plus!) un diplôme d'Etat (Bac +3) et une carte qui garantie notre formation et nous autorise à guider, ce que beaucoup de gens ignorent encore aujourd'hui malheureusement !
Et ce n'est pas l'arrivée des greeters gratuits, soutenus par les institutions "officielles", qui va arranger notre image, bien au contraire !
D'autant plus que d'autres dangers menacent notre profession, et je profite de ce post pour vous en dire deux mots puisque c'est aussi passé à la trappe durant l'interview radio (eh oui je parle/râle trop paraît-il... !).
Premièrement, l'Etat menace de supprimer notre carte de guide, pour ouvrir plus largement le métier au plus grand nombre !
En effet il parait qu'on manque de guides en France, que l'accès à la profession est trop fermé... c'est fou, parce que du côté guide pourtant, vous pouvez chercher, on n'est pas très nombreux à pouvoir affirmer que l'on vit à 100% de notre métier... et toute l'année ! Certains au contraire enchainent surtout les saisons en CDD de 6/8 mois, quand pour beaucoup d'autres ce sont de simples vacations (= contrat à la visite seulement... des CDD de 2h quoi !).
Bien sûr, les guides se mobilisent (je vous en avais d'ailleurs déjà parlé il y a quelques temps), mais comme nous sommes moins bruyants et gênants que les taxis ou les agriculteurs... vous n'entendrez pas trop parler de nous dans les médias, il nous est donc bien plus difficile d'être entendus, d'autant plus que nous ne sommes pas extrêment nombreux... mais c'est pas pour autant qu'on ne va pas défendre notre métier !
Les camarades lyonnais mobilisés malgré la pluie, début 2015.
Pour l'heure, après plusieurs mois de "discussions" et de mobilisation, la situation reste totalement floue... et notre avenir de guide conférencier qualifié avec !
Deuxième menace : la multiplication des plateformes numériques qui mettent en relations les guides et les visiteurs.
Attention, sur le papier, je fais partie des guides qui approuvent à 100% la "modernisation" de la profession, on en a BESOIN, on doit absolument suivre ce mouvement numérique pour gagner en visibilité auprès du grand public, c'est sans doute notre plus grand point faible aujourd'hui et ce type de plateforme est la solution idéale.
Car soyons honnête, un guide indépendant, seul, peut difficilement être à la fois sur le terrain, préparer de nouvelles visites, assurer sa gestion, sa comptabilité, sa communication et faire tourner son site internet/démarcher etc... je le fais, mais ma visibilité, le référencement de mon site internet, sont probablement proche du néant. Je pourrais engager un webmaster ou un commercial, mais ce n'est évidemment pas viable du tout ! Du coup, c'est bibi qui fait tout !
Ce qu'on fait réellement quand vous pensez qu'un guide indépendant se la coule douce entre deux visites ! ^^
Sauf que voilà, n'ayant pas 36 bras, il faut bien admettre que seul on ne peut être aussi efficace sur tous les plans.
C'est pourquoi ces plateformes qui référencent les guides pour le public, et nous mettent en relation avec lui, peuvent être une solution pour gagner en visibilité... sans sacrifier trop de temps dont on a déjà fort besoin pour préparer de nouvelles visites !
Des agences gourmandes...
Le problème, c'est que la plupart de ces plateformes qui fleurissent à tout va sur le net en ce moment, ne sont pas là pour nous rendre service, non, elles cherchent surtout à s'engraisser sur notre dos en profitant du nouveau filon, avec des commissions conséquentes de 20% et plus (sans compter celles qui exigent en plus un montant fixe par personne participant à la visite!). Vous avez sans doute entendu parlé de l'asphixie des hôteliers par Booking, Expédia et compagnie ? Eh bien on a le droit à la même chose en ce moment chez les guides indépendants. Pire encore, beaucoup de ces plateformes n'exigent aucune carte de guide, et référencent donc "n'importe qui" souhaitant proposer ses services pour arrondir ses fins de mois (étudiants, des retraités...) et en cas d'insatisfaction du client, c'est tout de même l'image du guide qui va encore en prendre un coup... elle est pas belle la vie ?!
... mais pas toutes !
Heureusement, toutes les plateformes ne sont pas à "jeter", pour ma part pour l'instant dans cette jungle de rapaces numériques, j'ai trouvé une plateforme qui me convient, et que je recommande d'ailleurs à mes camarades du métier si certains passent par là : Expérience Privée.
La plateforme offre un profil en ligne, vous proposez vos "expériences" (= visites), vous fixez le prix... et la commission n'est que de 5%.
Ce qui est tout à fait raisonnable pour le service rendu et la visibilité offerte pour le guide.
Voilà un modèle économique viable pour les guides indépendants, comme quoi, tout n'est pas perdu...
Dommage que l'initiative vienne du privé, et que du côté des institutions sensées vous défendre, on vous enfonce plus qu'autre chose à coup de suppression de carte professionnelle et de greeters... !
Signé votre guide de poche,
un guide conférencier indépendant en colère,
et inquiet pour son avenir et celui de sa profession.
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